lundi 29 février 2016

"The Corner"

En prévision de la sortie de l'album de BD La femme aux cartes postales, quelques capsules seront mises en ligne pour mettre dans son contexte historique le récit de ce roman graphique prévu pour avril 2016, à La Pastèque.




De 1945 jusque dans les années 50, le centre névralgique du jazz à Montréal s'appelle, The Corner.  Un simple coin de rue situé downtown à l'intersection des rues Craig, rebaptisée aujourd'hui Saint-Antoine, et  De la Montagne qui marquera l'histoire du jazz dans la métropole.  On y retrouve le Café Saint-Michel avec le fabuleux musicien américain, Louis Metcalf, mais surtout le légendaire Rockhead's Paradise dont la réputation dépassait les frontières. 
  

Au Rockhead, bien que la clientèle soit mixte, seuls les musiciens de couleurs sont invités à y jouer, pied de nez à plusieurs hôtels uptown qui refusent encore à l'époque la présence de noirs, même sur scène. À titre d'exemple, le Ritz Carlton, après avoir appris que le pianiste d'un orchestre engagé à la dernière minute était de couleur, a tenté de le faire remplacer par un blanc.  Grâce à l'intervention de Johnny Holme, qui dirigeait la formation, ce jeune pianiste aura été le premier musicien noir à être toléré dans la légendaire institution de Montréal.  Son nom: Oscar Peterson.  Autres temps, autres mœurs.


Feu Rufus Rockhead est considéré aujourd'hui comme un des grands acteurs de la communauté noire de Montréal et les quelques personnes qui se rappellent avoir fréquenté l'établissement se souviennent de l'élégant et charismatique patron qui offrait une rose à chaque dame qui entrait dans son nightclub.




Photo: Google Streetview


 Aujourd'hui,  le Rockhead n'est plus qu'un terrain vague en face du Centre Bell.  Appelons ça de la mémoire sélective.

vendredi 12 février 2016

Des bulldozers contre le vice.

En prévision de la sortie de l'album de BD La femme aux cartes postales, quelques capsules seront mises en ligne pour mettre dans son contexte historique le récit de ce roman graphique prévu pour avril 2016, à La Pastèque.

  

Durant les année 50 et 60, la Ville de Montréal procède à un gigantesque plan de modernisation.  Le plan Dozois éliminera les taudis pour construire les Habitations Jeanne-Mance, les autoroutes Ville-Marie et Bonaventure et la Cité des ondes, d'où ne sera érigée finalement que la tour de Radio-Canada.  Disparaîtront ainsi le Faubourg à m'lasse, Goose Village, une partie du Red Light et du Chinatown.  De cette transfiguration de la métropole, il nous restera, comme un héritage, une fabuleuse banque de photos des Archives de la Ville de Montréal.

Archives de la Ville de Montréal
En effet, la Ville avait mandaté une équipe dont Jean-Paul Gill, Ludger Lécuyer et Rhéal Benny pour photographier tous les lieux et résidences visés par l'expropriation.  On veut nettoyer le quartier de ses délinquants, de la mafia, de la prostitution, du jeu et de la drogue.

C'est à l'été 1957 que sont envoyés les premiers avis d'éviction.  Les expropriations se poursuivent jusqu’en 1959, les travaux de construction jusqu'en 1961.  Des dizaines de familles verront leur  logement disparaitre devant le passage des bulldozers.  Ils seront envoyés dans les bureaux d'aide aux locataires pour qu'on les reloge.











De cette guerre à l'insalubrité et au crime, il ne restera qu'une série de clichés, témoin de la vie de quartier de ces rues et ruelles aujourd'hui disparues avec, comme un fantôme, ce fonctionnaire anonyme qui revient dans la majorité d'entre elles; un fantôme qui tient sa pancarte avec un numéro pour les registres de la Ville.

Été 1958, Rose le croise devant chez elle, sur la rue Sainte-Élizabeth. À voir dans La Femme aux cartes postales.

Pour en savoir plus sur le sujet, je vous invite à consulter le superbe livre Quartiers disparus qui reprend plusieurs des photos des Archives de la Ville de Montréal ayant servi à l'exposition du même nom au Centre d'histoire de Montréal.


Archives de la Ville de Montréal